Londres, dans les années 1800. Le jeune Docteur Jekyll poursuit ses recherches sur une potion qui prolongera la vie. Essayant la potion lui-même, il s'aperçoit avec horreur et consternation qu'il s'est transformé en une belle jeune femme : ainsi naît sister Hyde. Jekyll décide qu'il lui faut ravir une vie humaine pour faire avancer ses recherches. Il arpente les rues à la recherche de ses victimes potentielles...
L'avis du cinéphile : Se rendant compte qu’il lui faudrait plusieurs vies afin de mener à bien ses recherches, le docteur Jekyll va très rapidement se concentrer sur le problème de l’immortalité, ou plutôt du rallongement pur et simple de la vie. Il va s’aider pour cela d’hormones femelles qui, selon ses explications scientifiques, conservent davantage le corps humain contre les méfaits de la dégradation du temps. Usant bien entendu du procédé sur lui-même afin de le tester, il va se transformer non pas en Mister Hyde (débarrassé de conscience sociale) mais en Mrs Hyde (féministe, dominatrice, aventureuse). Une véritable guerre des sexes à l’intérieur d’un seul corps. Il fallait oser ce difficile pari, ce que le film réussit avec brio grâce à son traitement diégétique extrêmement sérieux (voire mélodramatique) presque dénué de la moindre trace d’humour (si ce n’est chez les personnages secondaires) et ouvertement traité avec respect. Il eut été facile de ridiculiser cette idée qui eut pu être fort scabreuse, mais il n’en n’est rien.
Car Dr. Jekyll et Sister Hyde ose tout, sans jamais renoncer à sa réflexion implacable. La magie Hammer fonctionne totalement, en juxtaposant toutes les problématiques possibles les unes aux autres. On se demande par ailleurs régulièrement jusqu’où le film va bien pouvoir progresser. Rien n’est laissé au hasard, de la découverte de Hyde contemplant son propre corps devant une glace (un moment de poésie inespéré soulevé par la très belle musique du film) au flirt de Hyde avec Howard (grand moment où l’idée de la transsexualité et du désir charnel implosent dans l’esprit du spectateur), en passant par le trouble de la personnalité de Jekyll vis-à-vis de Howard pour qui il entretient, l’espace d’une courte scène, une attirance à peine voilée. Homosexualité refoulée, transsexualité, perversité du jeu érotique, désir incontrôlé de puissance et d’assouvissement, jusqu’au dégoût des deux protagonistes (Jekyll et Hyde) l’un envers l’autre au sein d’un jeu mortel dans lequel il ne peut y avoir qu’un seul gagnant. Le film brave la censure, s’amuse des interdits et dans le même temps respecte fondamentalement son public, notamment par sa maitrise visuelle évitant tout voyeurisme primaire. Dr. Jekyll et Sister Hyde est incontestablement l’une des dernières grandes réussites artistiques de la Hammer, uniquement surpassée dans les années 1970 par Frankenstein et le monstre de l’enfer, l’ultime chef-d’œuvre de Terence Fisher. Diabolique, effronté, astucieux et subtil, le film doit également sa réussite à son duo d’excellents interprètes, doués d’une ressemblance physique indéniable qui en accentue autant le malaise que la fascination.
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